République Centrafricaine
Juan Branco, avocat français et expert indépendant n’est plus le bienvenu en République centrafricaine. Il a été sommé de quitter le pays sous la pression de la Mission des Nations unies en Centrafrique. Explications.
Juan Branco faisait partie du collège de trois avocats sollicités par la Mission multidimensionnelle des Nations unies en Centrafrique (Minusca) pour prêter main forte à la Cour pénale spéciale (CPS) sur les exactions commises dans le pays.
Mais arrivé il y a à peine une semaine dans le pays, l’avocat a été sommé de quitter la Centrafrique ce mardi même, sur injonction de la Minusca qui le menace de ne plus assurer sa protection s’il s’entêtait à rester sur le territoire, rapportent les sites Mariane et Deutsche Welle. Un billet d’avion sur Paris lui aurait été par ailleurs commandé, ajoutent les deux sites.
Que s’est-il donc passé pour que la Minusca mette fin au contrat de travail de l’expert français. Tout porte à croire que des tweets de Juan Branco soient à l’origine de ce désaveu. Le 25 mai, en effet, sur son compte Twitter, l’avocat mettait clairement en cause les forces de la Minusca, affirmant que le 10 avril dernier, celles-ci “massacraient plus de 30 civils et en blessaient 100 autres sans aucune justification”.
“Faute de travail journalistique sérieux, un crime devient ‘incident’, et les civils massacrés, des cadavres à piétiner”, écrivait-il, dans une critique d’un article du journal Le Monde. “Ces corps de civils brisés par l’impunité et par la propagande dont [le journaliste] se fait le relais furent le surlendemain déposés dans des linceuls blancs aux pieds des casques bleus qui les avaient tués, par des milliers de manifestants réclamant dignité”, a-t-il poursuivi.
Cet événement est relaté dans le papier comme le résultat d'une mauvaise fortune, et les morts présentés comme des combattants. Faute de travail journalistique sérieux, un crime devient “incident”, et les civils massacrés, des cadavres à piétiner.
— Juan Branco ✊️ (@anatolium) 25 mai 2018
L'ONU et les casques bleus, assaillis de partout, le sont parce qu'ils ont une mission ahurissante qui les rend littéralement responsables de tout ce qu'il se passe sur le pays. Ils ne peuvent, ne doivent rien laisser passer.
— Juan Branco ✊️ (@anatolium) 26 mai 2018
L’affaire Wikileaks en toile de fond
Pour justifier la rupture de contrat, la Minusca fait appel à l’article 2 du contrat de travail qui indique qu’il ne peut être allé contre l’intérêt des Nations unies… Sauf que, cet article ne fait en aucun cas référence au droit de réserve, notamment en ce qui concerne les experts indépendants sur les affaires centrafricaines. Ces experts sont par ailleurs sous la direction exclusive du procureur spécial de la Cour pénale spéciale. Par contre, ils sont soumis à une obligation de confidentialité sur toutes les informations recueillies dans le cadre de l’enquête.
Pour Juan Branco qui a d’ores et déjà saisi le défenseur des droits de l’homme de l’ONU, son limogeage a probablement d’autres origines. Il fait notamment référence à son rôle d’avocat de Julian Assange, le fondateur de Wikileaks. Une charge qu’il a de nouveau portée sur son compte Twitter.
Officiellement pour avoir dénoncé un fait établi: que le 10 avril, l'ONU a tué à Bangui 30 habitants et blessé plus de 100 autres. Que cela soit dit, entendu, répété: l'ONU au Centrafrique tue des civils, et vire qui le dit. Officieusement? La peur de
— Juan Branco ✊️ (anatolium) 29 mai 2018wikileaks
, évidemment. https://t.co/fgvE9XkYMq
La Centrafrique connaît ces derniers mois un regain de violence qui a déjà fait des dizaines de morts. En dépit des tentatives de médiation, notamment à travers l’Union africaine (UA), les pays reste sous tension.
La chose est extrêmement inquiétante: travaillant pour le Procureur de la Cour pénale spéciale, une institution indépendante, j'avais la charge d'établir qui poursuivre, y compris au sein des forces internationales. Le signal envoyé est clair: personne, à
— Juan Branco ✊️ (anatolium) 29 mai 2018UN_CAR
, ne s'attaquera.
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